Bopp E. (UMR ESPACE), Douvinet J. (UMR ESPACE)
Les applications smartphones dédiées à alerter la population en cas de risques majeurs présentent de nombreux atouts. Elles permettent l’émission ou la réception d’un message tout en raccourcissant le délai de communication entre les centres de décision et des utilisateurs, situés dans un environnement en instance de subir des dommages. Or, il existe en France plus de 50 applis fonctionnelles pouvant alerter leurs utilisateurs face à un danger, et cette profusion entraine une certaine illisibilité chez ces derniers. De plus l’abandon de l’application gouvernementale SAIP® (Système d’Alerte et d’Information des Populations) pour causes de nombreux dysfonctionnements, ainsi que l’existence d’applications communales trop peu téléchargées témoignent de la difficile mise en œuvre de ces solutions dans le schéma général de l’alerte en France. Dès lors, si l’on souhaite promouvoir ce type de solution dans les territoires, est-il possible de rationaliser l’offre ? Par ailleurs, existe-t-il sur le marché des applications ayant le potentiel pour être un moyen d’alerte et d’information (MAI) efficace en France ?
Afin de répondre à ces deux questions, un protocole d’évaluation basé sur quatre indicateurs a été pensé. Ces quatre indicateurs tiennent respectivement compte : (1) de la capacité des applications à envoyer une alerte ciblée, (2) de la possibilité pour les individus d’émettre de l’information, (3) du nombre d’aléa considéré par les applications et (4) de leur attractivité. Chacun des indicateurs est décomposé en plusieurs paramètres (figure 1) pondérés d’après la bibliographie portant sur l’alerte à l’ère de l’Internet des objets. L’évaluation s’est portée sur 50 applications téléchargeable en France et pouvant potentiellement jouer le rôle de MAI multirisque.
Figure 1 : les quatre indicateurs et leurs paramètres
Les résultats montrent qu’il existe bien des applications qui ont le potentiel pour être un MAI en France : 3 applications semblent avoir le potentiel pour être un MAI au regard de le bon scores dans les quatre indicateurs (alerte, diffusion d’information par les utilisateurs, approche multi-aléa et attractivité) et 15 applications ont un indicateur d’alerte élevé. Toutefois, en prenant en compte l’ensemble des quatre indicateurs, le nombre d’application répondant aux objectifs initiaux est limité. Premièrement, l’aspect participatif de ces outils est trop peu pris en compte : la remontée d’information par les citoyens vers les centres de décision s’est révélé être une fonction sous-utilisée dans le panel d’applications testées. D’autre part, de nombreuses applications sont conçues pour des aléas spécifiques (application mono-aléa) ou un nombre d’aléa trop limité par rapport à l’ensemble des aléas auquel est soumis le territoire national. Enfin, des efforts pourraient être réalisés pour rendre les applications plus attractives: la gratuité et la suppression de la publicité, économiquement discutable, semblent des solutions nécessaires à la démocratisation des applications.
Par ailleurs, un dilemme émerge concernant l’échelle d’implantation des applications: une application nationale pourrait rencontrer des problèmes de cohérence au niveau local mais la multiplication d’applications locales accentuerait les inégalités entre les espaces couverts ou non et augmenterait l’illisibilité à une échelle plus large. Or, le nombre d’application, aujourd’hui trop conséquent, augmente la confusion autour de ces solutions. Dès lors, la création d’une application à l’échelle nationale doit être prioritaire, pour éviter la profusion d’applications hétéroclites et non interconnectés à des échelles plus locales et ce malgré l’échec de l’application gouvernementale SAIP®.
Enfin, ce travail devra être approfondi, notamment en testant les applications ayant le meilleur potentiel pour être un MAI lors d’exercices de crise.